Le système financier américain est unique par son ampleur et sa complexité : la taille même du pays et l’autonomie accordée aux différents États l’ont doté d’un ensemble de réglementations et de banques profondément enracinées.
L’année 2023 devait être celle du changement. Les Fintech américaines s’étaient mises en ordre de marche pour faire pression en faveur d’un programme réglementaire plus progressiste qui aurait rendu le secteur plus dynamique, innovant et compétitif.
Oui, mais voilà. La Silicon Valley Bank (SVB) a ensuite rappelé une autre caractéristique unique du système bancaire américain : sa capacité à terrifier le monde entier lorsque les choses tournent mal. La réponse à la crise a relégué la réforme du secteur Fintech américain au bas de la liste des priorités du gouvernement, mais les deux ne s’excluent pas mutuellement.
L’effondrement de la SVB a été en grande partie dû à de mauvais investissements. Comme cela a déjà été largement expliqué, l’exposition de la banque à des obligations d’État à long terme peu performantes a fatalement sapé la confiance dans sa capacité à rembourser les déposants.
Certains se sont demandé pourquoi les régulateurs n’ont pas réussi à prévenir une telle crise dans une banque essentielle à l’ensemble du secteur du capital-risque. Cela a poussé les décideurs politiques à examiner de plus près les règles du système financier en vigueur aux États-Unis. Treize ans après l’adoption de la loi Dodd-Frank, qui était censée remettre de l’ordre, les régulateurs financiers sont une fois de plus accusés de s’être endormis au volant.
De toute évidence, ce n’est pas un environnement idéal pour que les Fintech plaident en faveur de règles plus souples. La donne politique n’est plus la même. Dans le meilleur des cas, les décideurs politiques allergiques au risque prendront beaucoup plus de temps pour réfléchir à des propositions, même simples. Au pire, le secteur de la Fintech pourrait être présenté comme démantelant de manière irréfléchie des protections indispensables pour les consommateurs et les entreprises.
Une approche plus prudente est nécessaire.
De nombreuses stars du secteur américain de la Fintech ont été fondées en partant du principe qu’il fallait apporter plus de simplicité et de transparence au secteur financier.
Cette cause, cette vérité, reste valable, et les arguments en faveur d’une réforme restent également solides. Le système financier américain est excessivement complexe et freine l’innovation. Par exemple, l’obtention d’une charte bancaire peut encore nécessiter de nombreuses années en fonction du type de licence et de l’endroit où elle est obtenue. Le simple fait d’envoyer de l’argent à l’étranger peut prendre des jours. L’argent semble entrer dans une boîte noire jusqu’à ce qu’il réapparaisse, avec un peu de chance, à la destination prévue. Des obligations de conformité complexes et souvent contradictoires peuvent finir par dominer l’année. Elles prennent alors du temps qui devrait être consacré à la gestion d’une entreprise prospère.
Obtenir l’approbation réglementaire pour créer de nouveaux produits ou services est déjà compliqué en soi, mais il faut encore relever le défi plus difficile de maintenir opérationnels et conformes les programmes que vous avez mis en place au fil du temps. Si l’on tient compte des chevauchements entre les différents États et les diverses agences fédérales, on a vite l’impression qu’il y a un obstacle à chaque coin de rue.
D’aucuns diront que ce sont les réglementations qui nous protègent des crises, ce qui est bien sûr le cas des réglementations bien conçues. Mais des réglementations trop complexes rendent le système financier opaque et irresponsable pour tout le monde, à l’exception des opérateurs historiques aux poches bien remplies. Cela réduit la concurrence et la diversification des risques, d’où le risque accru de voir émerger des crises graves.
Les risques de l’hypercomplexité sont visibles dans les crises financières récentes : de la titrisation des créances hypothécaires douteuses en 2008 à la manière dont la SVB a échappé à la rigueur réglementaire habituelle, en partie en raison du caractère « unique » de sa base de déposants. Les réglementations ne nous rendent plus sûrs que si elles sont claires, équitables et correctement appliquées.
Il y a eu quelques petits succès, mais qui ne sont pas sans importance. Par exemple, les sociétés d’envoi de fonds étaient auparavant soumises à un examen par chaque État dans lequel elles détenaient une licence en tant qu’entreprise de transfert de fonds ou de vente de titres négociables (Money Service Business, MBS), et ce tous les deux ans. Cela signifiait qu’il fallait jusqu’à 50 licences pour pouvoir exercer une activité dans tout le pays et qu’une société Fintech avait des régulateurs dans ses bureaux à peu près toute l’année, ce qui représentait une énorme charge administrative.
Récemment, cette procédure a été quelque peu rationalisée, ce qui permet aux sociétés d’envoi de fonds ou de paiement à l’échelle nationale de passer un seul examen complet qui répond aux exigences des différents États.
Il a également été question que l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC) accorde aux Fintech des licences fédérales plutôt que de passer par les États, mais rien ne s’est encore concrétisé sur ce front.
Il ne faut pas perdre le peu d’élan dont dispose le secteur. Les Fintech ont des arguments solides et convaincants pour simplifier les règles de notre système financier et les rendre plus transparentes et responsables.
Un programme législatif pour une réglementation favorable à la concurrence au niveau fédéral rendrait le secteur financier plus diversifié et plus dynamique. Cela revigorerait également la Fintech, malmenée en termes de valorisation boursière, alors qu’elle emploie des centaines de milliers de personnes, apporte une contribution considérable à l’économie et fournit des avantages concrets aux consommateurs ainsi qu’aux entreprises du monde entier.
Mais peut-être plus important encore, cela donnerait aux régulateurs l’occasion d’éliminer les mauvais acteurs une fois pour toutes, plutôt que de les laisser moisir en arrière-plan et de compter sur le secteur pour régler le problème. Lorsqu’il s’agit de réformer la finance, plutôt que de considérer la Fintech comme faisant partie du problème, les décideurs politiques devraient la considérer comme faisant partie de la solution.